Pas simple de parler d’un tel sujet, les Women in Tech, quand on est un homme de nos jours. Peur de dire le truc qu’il ne fallait pas ou d’être en retard sur la réalité. Mais bon, j’ai eu carte blanche alors je l’ai prise. J’ai demandé sur les réseaux qu’on me dirige vers des vidéos de femmes inspirantes et j’ai été très bien conseillé. Merci à tous, je vais en partager quelques-unes dans cet article.
Et puis j’ai fait le tri dans mes idées et mes opinions, qu’elles soient populaires ou pas, par souci d’honnêteté envers le sujet. Voici ce que j’en ai retiré. Je ne prétends pas savoir, ni apporter des solutions garanties, je ne fais que partager ce que j’ai vécu, ce que je vis et ce que j’imagine. J’espère qu’en cette journée internationale des droits des femmes vous lirez ce texte avec autant de curiosité que j’ai eu à l’écrire.
Women in “à peu près tout”.
Tout d’abord on dit women in tech, mais on pourrait dire aussi women in sports, in industry, in media, in politics, in science, et même in art. Women in à peu près tout du moment qu’on est une femme dans un monde culturellement contrôlé par des hommes. Je parle de la tech car aujourd’hui je travaille dans la tech. Mais j’ai connu les mêmes frustrations dans les milieux de la télévision, de la publicité, du théâtre, du conseil, des conférences, etc.
Ce constat on le connaît, on lui colle parfois des chiffres officiels, qui varient selon les sources mais globalement il est dit que les femmes représentent moins de 20% des salariés de la tech (37% chez Pentalog, nous sommes sur le bon chemin !).
Ok, c’est trop peu, qu’est-ce qu’on fait alors ?
Les solutions sont connues. Même ce fainéant de ChatGPT peut vous les donner en moins de douze secondes. Allez, je vous montre :
« Plusieurs facteurs peuvent contribuer à attirer davantage de femmes dans le secteur de la haute technologie :
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Encourager l’enseignement des STIM : Encourager davantage de femmes à étudier les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques (STIM) peut leur permettre d’acquérir les compétences et les connaissances nécessaires pour poursuivre des carrières dans le domaine. Les écoles et les universités peuvent jouer un rôle dans la promotion de l’enseignement des STIM pour les femmes.
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Promouvoir des modèles : La mise en avant de femmes ayant réussi dans le domaine de la technologie en tant que modèles peut aider à inspirer les jeunes filles et les femmes à poursuivre des carrières similaires. Les femmes occupant des postes dans la haute technologie devraient être visibles, partager leur expérience et offrir des possibilités de mentorat.
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Créer des lieux de travail inclusifs : Les entreprises de haute technologie peuvent créer des environnements de travail inclusifs qui favorisent la diversité et l’égalité entre les hommes et les femmes. Des politiques telles que des horaires de travail flexibles, des congés parentaux et l’égalité des salaires peuvent contribuer à attirer et à retenir les talents féminins.
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Lutter contre les préjugés inconscients : lutter contre les préjugés inconscients sur le lieu de travail peut contribuer à faire tomber les barrières qui empêchent les femmes de réussir dans des postes de haute technologie. Les entreprises peuvent proposer une formation sur les préjugés inconscients à tous leurs employés afin de les aider à identifier et à surmonter les biais qu’ils peuvent avoir.
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Accès aux réseaux : Les entreprises de haute technologie peuvent permettre aux femmes d’accéder à des opportunités de réseautage, à des événements industriels et à des conférences afin de les aider à développer leurs réseaux professionnels et à accroître leur visibilité au sein de l’industrie ».
C’est bien petit Chat, t’as bien synthétisé tous les sites et les articles qui travaillent sur le sujet depuis des années. Tu ne sais pas ce que tu dis mais au moins c’est ordonné et sur le fond tu as raison sur tous les points. Mais ce que ChatGPT ne peut pas penser, c’est qu’il existe entre les lignes des nuances qui nécessitent d’êtres dites.
Je partage 7 réflexions : le débat est ouvert.
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Une dette de confiance qui commence à s’effacer, mais ça prend du temps. J’ai longtemps été conférencier, et vous n’imaginez pas le nombre de fois où les organisateurs des événements auxquels je participais m’ont demandé si je connaissais des femmes qui pourraient intervenir. Ils n’en trouvaient pas, ou alors toujours les mêmes : je n’en revenais pas ! Certaines femmes, quand on les contactait, n’hésitaient pas à nous renvoyer sur des hommes, prétextant qu’elles n’étaient pas bonnes oratrices ou qu’elles n’étaient pas légitimes. Alors bien sûr, peut-être les organisateurs n’avaient-ils pas bien ou assez cherché. Sans doute. Mais peut-être aussi que trop de femmes souffrent d’un complexe d’illégitimité tellement prenant que leur prise de parole les paralyse.
Je ne critique pas ! Je constate. Je vois cependant que cela change un peu ces dernières années avec une nouvelle génération de femmes et je m’en réjouis ; les réseaux sociaux vidéos y contribuent sans doute. La prise de parole devient désormais plus simple et courante, les jeunes femmes n’hésitent pas à dire les choses et ça ne peut que faciliter la montée en scène de toutes les femmes à l’avenir. Prendre la parole pour exister dans le bruit des hommes, c’est un passage nécessaire désormais pour toutes les femmes. Il existe des formations par dizaines sur le sujet, il faut les suivre. Les entreprises doivent absolument accompagner leurs collaboratrices : ateliers d’expression, ateliers d’improvisation, formation à la prise de parole en public, au storytelling, coaching en leadership : il existe des tonnes d’outils qui ne doivent pas être considérés comme des gadgets offerts à telle ou telle, mais bien comme des politiques stratégiques, non seulement pour l’épanouissement individuel des femmes de l’organisation, mais pour la réussite globale de tous.
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Les femmes sont très dures entre elles. Je sais, je généralise, mais je l’ai vécu et observé si souvent. Les places sont chères, la lutte est mathématiquement plus serrée ; or la compétition et l’ambition sont des qualités humaines non genrées, et il n’y a aucune raison pour une femme d’être plus douce vis à vis d’une autre femme sous le seul prétexte que c’est une femme.
Néanmoins, nous connaissons tous l’efficacité des avancées en équipes. Les hommes l’ont compris et progressent en groupes, font partie de clubs professionnels, sportifs, associatifs. Les connexions professionnelles se créent dans ces communautés de circonstances, et s’en priver rend le chemin possible, certes, mais plus long et plus dur. Les femmes rejoignent de plus en plus, c’est notable, ces clubs et associations qui naissent chaque jour et démontrent leur efficacité. Cette solidarité entraîne tout le monde, et le succès de l’une devient désormais un moteur pour les autres. On passe de la jalousie à l’inspiration, de l’envie à l’entraide, c’est mille fois plus efficace. Voyez par exemple chez Pentalog Simona Sandru qui a créé l’ONG “Global Women in Tech” ; et aussi Stefanita Ciutac qui a fondé “Tech Women Moldova”.
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Les hommes peuvent aider. Pas tous. Une collaboratrice me disait que la confiance est quelque chose qui se joue en soi, mais qui peut aussi être facilitée par l’Autre. Or, l’Autre (les hommes, dans le cas présent), n’est pas toujours enclin à laisser la place. C’est vrai, mais notons que les hommes ne sont pas enclins non plus à se laisser la place entre eux. En réalité cette compétition humaine est semble-t-il à la base de nos relations, quels que soient nos genres. Il faut donc prendre sa place, cela signifie : dire ce qu’on veut, savoir dire non, bosser plus que les autres, célébrer les victoires, faire savoir qui l’on est ; homme ou femme, peu importe.
Les femmes en ont assez des micro-agressions et des plafonds de verre, c’est normal, et nous, les hommes, observons passivement (trop sans doute ?) leur combat en attendant de voir si ça bouge. Parfois on donne un coup de main, parfois non. Parfois on donne des conseils, et parfois on ferait mieux de la fermer. Parfois elles veulent bien nous entendre, parfois surtout pas. Pas simple d’être à la fois considéré alternativement comme le bourreau et le soutien, mais c’est notre responsabilité de faire mieux. Des hommes jouent le jeu, et d’autres non, c’est humain. Il faut sans doute ne pas trop attendre d’eux et dans le même temps identifier les alliés masculins, ils existent.
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Une exigence de perfection qui finit par ralentir. “Le mieux est l’ennemi du bien”, c’est un proverbe français qui a sans doute son équivalent dans toutes les langues. Encore une fois je prends le risque de généraliser, mais j’ai prévenu, je parle de ce que j’ai observé. Les femmes que je connais passent un temps fou à vouloir bien faire, mieux faire, très mieux faire. Là où les hommes, un peu moins subtiles, foncent même si ce n’est pas parfait. Une sorte d’agilité qui tient à la fois de la paresse et de l’impatience, comme si les hommes avançaient à base de Minimum Viable Products, là où les femmes se projetaient vers un produit fini totalement opérationnel et successful. Attendre qu’une idée soit parfaitement réalisée est certes louable mais très compliqué dans un monde complexe et incertain qui laisse peu de temps au temps et ignore la pureté absolue. Être une Miss “Presque” Parfaite devrait marcher tout aussi bien !
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L’échec qui met tout par terre, beaucoup trop. Là aussi, je ne suis pas le seul à le dire (regardez notamment cette vidéo du TED de Jane Sojka qui en parle). Je crois pour ma part que les hommes sont habitués à foirer beaucoup plus tôt que les femmes, et donc à relativiser plus facilement, par habitude de la défaite. À cause des jeux musclés, des rapports de force un peu débiles, de l’esprit de compétition qui arrivent plus tôt dans la cour de l’école, nous comprenons rapidement que nous allons morfler souvent, que c’est la règle du jeu et que nous n’avons pas le choix. J’ai vu tellement de femmes se décourager face à une défaite, non pas parce qu’elles n’étaient pas douées ni courageuses, mais juste parce qu’elles prenaient personnellement ce qui n’était, pour les hommes, qu’une bataille perdue. Autant je pense que les hommes devraient s’inspirer des femmes pour affûter leur résistance au combat ; autant les femmes devraient apprendre des hommes à relativiser et à remonter rapidement sur le cheval. My two cents.
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Tout commence par les parents, et dès maintenant, avec les jouets pour les filles. Pour notre génération c’est déjà trop tard alors il faut agir. Il va falloir choisir entre les Princesses ou Bob le bricoleur, ou peut-être un mix des deux. Le témoignage de Debby Sterling sur le sujet est passionnant ! Si vous ne voulez pas voir toute la vidéo (et c’est dommage elle est très inspirante), allez au moins à la minute 9′. Elle explique comment, pendant ses études d’ingénieur, ses difficultés en termes de modélisation dans l’espace étaient sans doute dues à ces différences de jouets entre filles et garçons. C’est ainsi qu’elle décida de lancer avec succès son business de jouets de construction pour les filles. Pour l’avenir des Women in Tech, il est urgent de donner aux filles des jouets qui ne soient pas seulement des diadèmes et des baguettes magiques, mais aussi des Mecanos, des Legos et des outils de bricoleurs.
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Diversité, équité et inclusion : les femmes rentrent sur le ring ! L’étude annuelle de McKinsey sur les femmes au travail “Women in the Workplace 2022” annonce cette année une tendance de fond à la démission des femmes managers des entreprises qui ne répondent pas à leurs attentes. « Young women care deeply about the opportunity to advance—more than two-thirds of women under 30 want to be senior leaders. Young women are also more likely than current women leaders to say they’re increasingly prioritizing flexibility and company commitment to well-being and DEI. Companies that don’t take action may struggle to recruit and retain the next generation of women leaders.” Un vent d’exigence légitime souffle sur le monde du travail et qui semble montrer une nouvelle posture globale des femmes dans leurs relations aux hommes, au pouvoir et à la possibilité d’avancer dans leurs carrières dans un cadre juste, sain et équitable. Et c’est une sacrée bonne nouvelle.
En quelques mots…
Cela fait des siècles que les hommes grandissent dans l’ingénierie et la construction, la modélisation, les mathématiques, etc. Ces filières sont traditionnelles, comme l’armée ou le commerce. Ils ne sont pas meilleurs que les femmes, ils sont juste plus habitués.
Mais ce n’est pas une fatalité biologique, c’est un long processus qui est en train de muter. Dans une scène finale aussi émouvante que mémorable du film Will Hunting, Robbie Williams répète mille fois à Matt Damon « ce n’est pas ta faute » jusqu’à ce qu’il entende le message et baisse sa garde pour enfin prendre son élan. Il faut faire pareil avec les jeunes filles et marteler le message : « ce n’est pas gravé dans le marbre !« . La norme n’est pas fondée sur des réalités scientifiques mais sur une longue histoire culturelle. C’est la culture qui forge les habitudes, il faut donc changer la culture, rappeler et marteler que ça peut changer, que la technologie n’est pas plus une activité masculine que le soin ou l’enseignement sont des activités féminines.
Le moment est venu d’effacer cette dette de confiance.