Je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer comment tout au long du confinement l’homo consommatus devenait homo separatio : distanciation sociale, masques etc. Ce phénomène a accentué tout un tas de comportements, voire complètement changé d’autres. Comme par exemple un soudain attrait pour l’achat sur des boutiques e-commerce.
Comment un commerçant classique, appelons-le Michel peut lancer sa boutique e-commerce ?
Il m’est arrivé à plusieurs reprises dernièrement de constater que des chefs d’entreprise dans le commerce traditionnel, dans l’équipement médical et dans des secteurs a priori éloignés du e-commerce changent leur fusil d’épaule. Ils y (re-)pensent, trouvent des budgets et démarrent leur premier chantier pour faire du e-commerce alors qu’une bonne partie des autres projets sont à l’arrêt. Contre toute attente.
Cela a du sens : le e-commerce doit sauver les ventes des magasins ou des canaux traditionnels, fortement compromis depuis quelques mois. Et bien sûr, il faut aller vite car le e-commerce est dans la tête de tout le monde : clients, concurrents, prestataires.
Cet article a comme but d’encourager Michel à lancer sa propre boutique e-commerce.
Un tel conseil passe tout naturellement par de la transparence quant à ce qui l’attend et surtout ce qui se trouve dans les coulisses du e-commerce. Je pense à l’ensemble des découvertes qu’on fait quand on est déjà embarqué dans l’aventure e-commerce et qu’il est trop tard pour faire machine-arrière : des objectifs fixés sur des intuitions plutôt que sur des faits, des nouveaux experts dans l’équipe qui « parlent une langue inconnue », des bugs matin, midi et soir qui fâchent frénétiquement les clients, des ruptures, des problèmes de qualité, des erreurs d’approvisionnement et des dysfonctionnements logistiques qui colorent les rapports d’activité en rouge grenat.
Ces aspects ne rentrent pas dans les calculs du business case initial pour la simple raison qu’ils ne sont pas connus au départ. Ces aspects ne sont pas évidents pour ceux qui ne sont pas encore dans le e-commerce. Mais ils deviennent le quotidien de ceux qui y sont déjà : le métier d’exploitation du e-commerce est un métier complètement différent du métier de construction de sites e-commerce.
Comment un conte de fées…
À un premier abord, le e-commerce est du domaine des contes de fées : il apporte un nouveau souffle pour la croissance : assortiment multiplié par 2-3 sur le principe des « Endless Aisle » sans aucun effort additionnel de stockage, gestion simple de plusieurs opérations à l’international depuis une équipe unique située au siège, synergies significatives en matière de production de contenu et de photos. Tout ceci pour des budgets de construction de la plateforme plus qu’intéressants.
… peut tourner au mélodrame
Ce conte de fées peut tourner facilement au mélodrame si Michel constate avec surprise que de nouveaux chantiers opérationnels et de développement sont nécessaires tous les ans pour maintenir le rythme des attentes clients, pour rester dans la course des fonctionnalités à laquelle les concurrents se livrent. Ensuite, il faut embaucher un Product Owner, un administrateur de données, un designer UX/UI, des développeurs, des experts marketing pour le contenu et les campagnes du site, ainsi que des logisticiens et des spécialistes en transport. Ce sont toutes des expertises rares et chères.
Il est vrai qu’une boutique e-commerce procure des marges généreuses dans certains cas. Il est également vrai que votre boutique e-commerce coûte cher et peut rester longtemps en perte.
C’est une question d’équilibre basé sur de l’observation, de la réflexion et des décisions intelligentes. Par exemple, comment choisir la solution technique qui convient ? La solution juste qui fournit les fonctionnalités nécessaires, sans tomber dans l’excès. La solution suffisamment robuste pour servir correctement un certain nombre d’années la roadmap e-commerce.
Et comme l’argent est « l’affaire sensible » du e-commerce, je vais jeter un coup d’œil dans les paragraphes ci-dessous au coût du e-commerce.
Combien coûte une boutique e-commerce ?
Qu’il s’agisse du business case pour pouvoir budgéter sa première boutique e-commerce, ou bien plus tard de la roadmap, il y a des coûts spécifiques plus ou moins connus, plus ou moins mis en avant par les spécialistes qui accompagnent Michel dans la construction de son premier magasin virtuel.
Dans le tableau ci-dessous, j’illustre le coût du e-commerce (le coût facial et le coût caché) pour 3 phases de maturité différentes, tels que décrites par Andrei Sajin, Architecte Logiciel de Pentalog dans son article: Comment devenir la crème de la crème du e-commerce en 3 sprints ?
Le coût facial est le coût lié à la mise en place de la solution technique, facile à estimer par l’agence web de Michel. Il dépend fortement du poids des fonctionnalités spécifiques que Michel souhaite construire, par rapport aux fonctionnalités standard.
Le coût caché est le coût lié à l’activité du e-commerce, à partir de son lancement. Certains de ces coûts sont assez évidents, par exemple le salaire du responsable technique embauché pour la construction et la maintenance de la plateforme.
Certains autres le sont moins. Par exemple, le temps que la juriste de Michel va passer pour adresser d’éventuels litiges liés aux éventuels problèmes de rupture de stock est un coût lié à la nouvelle activité e-commerce de Michel, car pendant le temps que l’expert-juriste s’occupe des dossiers de litige e-commerce, elle ne fait plus son travail quotidien qu’elle faisait avant le lancement du e-commerce.
Dans les KPIs de suivi de son activité e-commerce, Michel va probablement décider de suivre l’ensemble de ces coûts indirects, « cachés » pour pouvoir prendre une décision après les premiers mois de fonctionnement.
Michel dans 5 ans
Imaginons Michel dans 5 ans. Je frappe à la porte de son bureau pour prendre de ses nouvelles. Il me dit qu’avec le recul, il peut dire que son e-commerce lui apporte beaucoup de clients internationaux, qu’il a eu une croissance ces dernières années comme il n’aurait pas pu l’imaginer. Il va me dire les « mais » aussi. Et la première chose dont Michel me parle est le fait que son e-commerce nécessite des investissements substantiels tous les ans. Des investissements bien loin de ce qu’il avait prévu au départ.
« Le e-commerce est ni plus ni moins qu’une voiture de sport » me confie Michel et il sait de quoi il parle, car il en a deux dans son garage. Cela coûte cher à l’achat et à l’utilisation.
Michel me raconte également l’histoire de ces dernières années. Voici dans le tableau suivant une « photo » avec quelques éléments de P&L reconstituée suite à notre discussion imaginaire :
Avec un peu de recul, il est évident que le mélodrame peut arriver dans deux situations :
- Quand on choisit une solution technique sous-dimensionnée par rapport aux spécificités du modèle et aux objectifs d’assortiment et commandes.
- Quand on est trop gourmand et que l’on choisit une solution technique avec des fonctionnalités « au cas où » pour des ventes assez modestes et un fonctionnement simple du back-office et de l’opérationnel
Dans la première situation on est rapidement à l’étroit et la croissance sera rapidement étranglées par l’impuissance de la solution. Dans la deuxième situation, les coûts sont prohibitifs et l’organisation risque de partir du mauvais pied dans sa relation « d’amour » avec ce nouveau business.Et si ?…Je fais maintenant appel à votre imagination : et si, au lieu de partir sur WooCommerce au départ, Michel aurait choisi Magento ?
- Comment pensez-vous que son revenu aurait pu évoluer ?
- Comment pensez-vous que sa marge aurait pu être au fil des années ?
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