Depuis 2018, le groupe Pentalog est fier de compter parmi ses partenaires Tech.Rocks, la communauté qui réunit plus de 2 000 leaders tech issus des entreprises les plus innovantes comme Google Cloud, Teads, Preligens ou encore AWS.
Après avoir animé une conférence au Tech.Rocks Summit 2020, Cornel se retrouve une nouvelle fois derrière le micro mais à distance cette fois, pour partager son expérience en tant que leader tech pour le podcast de Tech.Rocks.
Interrogé par Nathalie Lamy, Vice President of Engineering de Netatmo, il revient sur une simple phrase, prononcée par son fils, et qui a profondément bouleversé sa façon de gérer ses équipes et de leur faire confiance. Il s’interroge également sur la notion d’héritage dans l’univers de la tech.
Revivez cette discussion passionnante et riche d’enseignements dans cet article !
Nathalie Lamy (NL) : Bonjour et bienvenue sur le podcast Tech.Rocks ! Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’accueillir Cornel.
Cornel Fatulescu (CF) : Bonjour à tous ! Je suis Cornel Fatulescu et je me définirais transhumaniste et technophile. J’adore l’histoire et de plus en plus la philosophie. Cela va faire 5 ans que je suis installé en France avec ma famille. Je suis aussi père de deux garçons.
Je suis originaire de Roumanie et c’est là-bas que j’ai découvert Pentalog, où je suis entré en 2005 en tant que développeur. Aujourd’hui j’occupe le poste de Chief Platform Officer. Je suis en charge du développement de produits (Product Development) et de la stratégie technologique (Engineering Practices and Learning) au sein du groupe Pentalog.
Pour m’aider, 3 personnes me font un reporting direct et elles gèrent environ 100 personnes.
Pentalog possède plus de 1 600 salariés et propose principalement du renfort d’équipe ou des équipes qui travaillent sur les produits de nos clients comme Tripadvisor, MADE.com ou encore Agicap.
Chaque année, nous signons avec un peu plus de 250 clients, nous nous impliquons dans plus de 350 produits et +90% de nos clients nous renouvellent leur confiance.
NL : Peux-tu nous dire ce que tu as fait avant d’arriver chez Pentalog ? Et une fois dans l’entreprise, quel a été ton parcours ?
CF : J’ai démarré ma carrière à 15 ans, alors que j’étais encore au lycée. Je travaillais les week-ends et à distance pour une entreprise allemande qui proposait un ERP. Cela a duré 6 ans et je garde beaucoup de bons souvenirs de cette époque.
Mais le leadership de l’entreprise allemande est devenu toxique et j’en ai eu assez. J’ai alors voulu créer ma propre boîte et l’un de mes amis partageait la même envie. Tout naturellement, nous avons décidé de fonder ensemble notre entreprise de services informatiques.
Seulement, il travaillait à Pentalog à ce moment-là. Il m’a dit : « Je ne veux pas partir avant d’avoir terminé mon projet. Viens m’aider à le finir ». Comme quoi la loyauté existait déjà et existe encore.
Et c’est comme ça que je suis arrivé chez Pentalog, où je me retrouve à être le seul employé qui ne parle pas français !
L’entreprise a été créée en 1993 et elle a commencé par développer elle-même ses produits. Puis elle a changé pour faire de l’outsourcing. Mais elle a toujours gardé cet esprit “product development”, très centré sur la stratégie et la croissance.
J’ai commencé en tant que développeur, puis j’ai évolué vers des postes d’architecte, de Scrum Master, directeur de projet et Product Owner. Je pense qu’il y a très peu de choses que je n’ai pas faites.
Je me suis également occupé du département des formations. À l’époque, nous l’appelions « la pépinière ». J’ai ensuite pris en charge la direction technique et je suis alors devenu CTO, un poste très orienté vers les clients finalement. J’intervenais durant la phase d’avant-vente afin de mieux comprendre leurs besoins. J’ai également fait du consulting en tant que CTO as a Service.
En grandissant, Pentalog a décidé de se structurer différemment pour renforcer chaque service. Plusieurs entités, toujours rattachées au groupe, ont vu le jour :
- Software Factory pour le développement de produits
- Growth Factory pour les services d’hyper croissance
- Skills Assessment pour les compétences techniques et le recrutement
- Services for Equity (CTO for Equity, Team for Equity, etc.)
De CTO, je suis alors passé Head of CTOs pour orchestrer les actions des CTOs à la tête de ces entités.
Puis j’ai repris en charge la gestion du développement interne, du développement B2C et de l’équipe infrastructure.
Ainsi, nous avons construit un IT unifié avec une seule équipe Products qui gère tout l’écosystème tech du groupe Pentalog.
NL : Tu disais que dans ton expérience précédente, l’environnement était devenu toxique. Quand tu es arrivé chez Pentalog, comment as-tu trouvé l’environnement ?
CF : C’était un sacré contraste et je ne pouvais pas imaginer qu’une telle entreprise existe. D’abord, elle est très inclusive. Pour donner un exemple, le board ne comptait que deux hommes et le reste était composé de femmes, ce qui choque un peu quand on vient d’arriver. Mais pas trop car en Roumanie, le communisme considérait les femmes comme les égales des hommes. Bien sûr, d’un point de vue chance de réussite professionnelle, nous connaissons aussi les limites du système.
Ensuite, l’entreprise s’est toujours montrée très ouverte. Si tu veux vraiment réussir, on t’en donne les moyens. Depuis un moment nous optimisons nos process afin que les gens puissent augmenter leurs chances de réussite et nos chiffres prouvent que nous sommes sur la bonne voie.
Chez Pentalog, on peut entreprendre de réussir sans être embêté par une rigueur absurde, une bureaucratie exacerbée ou bien un leadership toxique et égoïste. Et ça, je ne pensais pas que ça pouvait exister.
Nous avons amélioré beaucoup de choses au fur et à mesure. Lorsque j’ai rejoint Pentalog, nous étions tous jeunes et un peu égoïstes. J’étais même très égoïste. Mais « l’adolescence » est passée et nous avons tous gagné en maturité.
NL : En tant que tech leader, et même leader de tech leaders dans ton cas, quelles sont les qualités nécessaires pour bien exercer ce métier ?
CF : C’est une très bonne question, et ma réponse a évolué avec le temps. Cependant, un élément reste depuis le début : la clarté sur la direction que l’on souhaite prendre. Élaborer une stratégie n’est jamais facile, mais il ne faut pas en changer tous les deux jours si l’on veut avancer à un bon rythme.
Ensuite, il y a les compétences socio-technologiques. Dans l’architecture, ces deux aspects sont très présents. Ne pas les nourrir rend la mission du tech leader impossible.
Il faut également prendre en compte l’héritage du CTO et se demander ce que nous laissons derrière nous. Par exemple, je propose une équipe à un CTO et ils travaillent ensemble pendant 3 ans. Que se passe-t-il au départ du CTO ?
Lorsque le nouveau CTO arrive, on fait face à deux extrêmes : soit il se montre très satisfait et dispose de bases saines pour poursuivre son projet, soit il est déçu et veut tout refaire. Dans les deux cas, en tant que CTO, nous devons continuer à exploiter au mieux ce qui a déjà été fait pour ne pas le gâcher. Les CTO et les tech leaders doivent penser le business comme un jeu infini. Aux nouvelles générations qui vont prendre la relève, que leur laissons-nous ?
Si notre génération se concentre uniquement sur le court-terme et consomme toute l’énergie des générations suivantes, nous entrons alors dans un unsustainable development, un développement non durable, et nous les privons de tous moyens pour qu’elles s’en sortent.
Pour réussir, le CTO ou le tech leader doit voir son rôle comme temporaire, penser son métier comme un mandat, à ce qu’il laissera derrière lui.
NL : Qu’est-ce qui t’inspire au quotidien pour mener ton rôle de tech leader ?
CF : J’apprends beaucoup de l’histoire, de l’expérience d’autres tech leaders et de mes lectures. Cela m’aide à ne pas reproduire les erreurs déjà faites, ce qui arrive beaucoup trop souvent dans le monde de la tech à mon avis.
Par exemple, si l’on réalise un produit qui ne possède pas un « identity and access management » alors qu’il y a suffisamment de systèmes, on reproduit une erreur déjà faite depuis très longtemps dans ce milieu.
Hard-coder les utilisateurs d’un autre système ou les mettre dans la même base de données représente également une erreur de débutant.
Lire et étudier les différents cas de figure aident à ne pas reproduire ces erreurs. Pour trouver les bonnes références, il suffit de demander à la communauté Tech.Rocks et l’on obtient 5 ou 6 livres.
De ce fait, je fais rarement quelque chose que j’ai créé de zéro.
J’aimerais citer le livre Large Scale Scrum : More with LeSS, de Craig Larman, qui a changé ma vie.
À la première lecture, je n’avais pas les connaissances pour bien le comprendre. Je l’ai relu à plusieurs reprises, riche de mes nouvelles expériences et à chaque fois, je trouve qu’il reste toujours aussi pertinent.
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Ouvrages de Craig Larman recommandés par Cornel
NL : Y a-t-il des choses que tu as mises en place au sein de ton équipe et que tu aimerais partager avec la communauté Tech.Rocks ?
CF : L’autonomie des équipes figure parmi les problématiques les plus importantes selon moi. Pour cela, elles doivent pouvoir prendre leurs propres décisions sans faire de mal à l’entreprise.
Pour les aider, nous avons créé une sorte de guide éthique que l’on appelle Educational Pillar. Il s’agit de petites pilules d’apprentissage, soit des vidéos qui durent 2 à 5 minutes et qui expliquent comment prendre des décisions selon les contextes, ce qu’est une bonne ou une mauvaise décision. Cela rejoint ce que je disais juste avant, on évite ainsi de reproduire des erreurs déjà commises.
De même, avant que le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) ne soit créé, on nous demandait de ne pas traiter toutes les données de la même manière, mais on ne savait pas ce qui était bon et ce qui n’était pas bon de faire.
Désormais avec le RGPD (que j’estime être une excellente initiative pour le secteur, l’Europe et l’humanité) le décideur, qu’il soit développeur, architecte ou CTO, dispose d’un petit guide renforcé pour tenir compte de tous les critères. Sans ces artefacts simples et explicites, les équipes ne peuvent pas se montrer autonomes et peuvent prendre des décisions qui impactent l’entreprise de façon négative.
Par défaut, je catégorise les données en 5 groupes :
- Données publiques
- Données privées qui peuvent éventuellement devenir publiques
- Données privées sensibles
- Données personnelles hautement sensibles
- Données stratégiques
Tout change avec ces critères, on ne peut plus traiter toutes les données de la même manière. Ce guide indique aux développeurs quel genre de décision tech selon le type de donnée fera du mal à l’entreprise ou sera parfaitement sûr.
Je pourrais également citer un exemple lié à l’architecture du système d’information. Traditionnellement, elle est gérée par le Chief Information Officer, tandis que le CTO se charge de l’architecture produit. Du coup, ça fait au moins deux architectures, ce qui pose beaucoup de problèmes.
Il est essentiel de posséder une architecture qui soit gérée par un CTO orienté « entreprise architecture ». Il veille ainsi à ce que les fonctionnalités existantes soient pleinement exploitées plutôt que de développer des micro-services à chaque demande.
Je reprends là des éléments que j’avais partagés il y a 2 ans dans une présentation intitulée « Programmable Company » pour le Tech.Rocks Summit. J’expliquais à quel point on peut faire du mal à une entreprise s’il n’y a pas un minimum de choses en place, comme les Education Pillars ou la Data Sensitivity.
Le sujet de l’entreprise programmable vous intéresse ? Cornel en parle plus en détails dans cette vidéo.
NL : Qu’est-ce qui t’empêche de dormir en ce moment ? Pourrais-tu partager un échec que tu as vécu et la leçon que tu en as tirée ?
CF : Commençons avec l’échec, qui prouve à quel point on peut avoir tort. Pour donner un exemple de type de leadership, j’accordais à chaque personne de mon équipe une tolérance de 3 erreurs. Tout le monde savait qu’à la 3e erreur commise, on ne pouvait plus continuer à travailler ensemble.
Entre temps, je suis devenu père. À l’époque, j’étais persuadé que j’excellais dans la gestion des équipes et que ce que je faisais au travail fonctionnait aussi à la maison. Un soir, mon fils, alors âgé de 3 ans, me dit qu’il n’a pas fait sa sieste. Je lui réponds : « Ce n’est pas ce que nous avions décidé ensemble. Tu connais les conséquences et tu seras puni. »
Mon fils commence à pleurer et me dit : « Je ne te le dirai plus jamais. »
Alors je me suis interrogé. Avec cette méthode, est-ce que les gens ne me cachent pas la vérité ? En voulant garder le contrôle, est-ce que je ne le perds pas justement ?
Depuis, j’ai redéfini ma façon de gérer le contrôle. Aujourd’hui ma philosophie s’oriente davantage vers la OODA loop, je fais davantage confiance aux gens et je les écoute.
Ça a représenté un énorme bouleversement pour moi et cette perte de repères m’a presque poussé à la dépression. J’ai dû beaucoup travailler pour tout changer.
NL : Pour terminer, pourrais-tu nous partager ce qu’est le chemin de la réussite pour toi ?
CF : Pour prendre le chemin de la réussite, il faut que l’environnement soit clair et soutienne diverses initiatives. Un cadre dans l’organisation reste nécessaire car on ne peut pas tout réaliser mais au moins, il définit les limites du possible et les façons dont on peut le faire.
Chez Pentalog, chacun peut déclarer des standards d’architecture. S’en suit un processus de validation, de votes et d’enrichissement. Cela permet à chaque personne de s’exprimer.
Ensuite, nous avons également un cadre très bien fait pour évaluer les compétences des salariés et des candidats. Ils peuvent se connecter au site de Pentalog pour découvrir leurs résultats et les éléments sur lesquels nous nous basons pour les sélectionner. Ils peuvent aussi s’évaluer en toute autonomie, demander des entretiens avec des experts.
Ce cadre nous permet d’être très clairs sur nos attentes quand nous proposons un emploi. Il nous aide à poser des fondations solides pour aider les salariés à s’exprimer et donner le meilleur d’eux-mêmes pour les clients.
Chaque société possède ses propres fondations. Chez Pentalog, ce sont les tests, l’évaluation continue et les pratiques d’ingénierie. Développer ces outils et les mettre à disposition dans l’entreprise nous semble essentiel.
Personnellement, pour approfondir ses connaissances, je conseille d’utiliser des outils et de faire appel à des mentors pour avoir une formation bien construite. Pour les débutants, je recommande fortement de se faire accompagner par un formateur ou une organisation spécialisée. C’est indispensable pour se forger une expérience. Ensuite, lorsque l’élève dépasse le maître, il faut un coach qui emploie des tactiques de maïeutique pour l’aider à aller encore plus loin.
Il faut d’abord bien savoir d’où l’on part pour trouver les bons outils, le parcours adapté et la personne la plus pertinente pour nous accompagner.
NL : Merci Cornel. Pour conclure, je retiendrai comme fil conducteur de ce podcast l’importance d’avoir un cadre clair et explicite. Souhaites-tu ajouter un mot de conclusion ?
CF : Oui, et cela vient d’un CTO que j’avais invité à l’occasion d’un CTO Talks et qui m’a beaucoup inspiré. En tant que CTO ou tech lead, nous avons tendance à nous placer comme des victimes qui subissent ce qui se passe dans l’univers de la tech. Or, nous devons considérer notre rôle de CTO comme un privilège. Si aujourd’hui, il y a un zero-day Log4j sur les satellites, on n’y est pas pour rien. Toute l’économie est faite par nous et par la technologie. Nous avons même le privilège de penser la technologie de façon écologique et sur le long terme.
À ce sujet, je conseille la lecture du livre The Responsability Process : Unlocking Your Natural Ability to Live and Lead with Power, de Christopher Avery, qui permet de voir si l’on adopte une posture de victime ou non.
Réécoutez le podcast quand vous le souhaitez :
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